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Les pretres de paroisse

Н. Лемэтр (Университет Париж-1 Пантеон-Сорбонна)
Приходские священники на 'латинском' Западе в 13-20 вв. Формирование и эволюция религиозно-общественной группы
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Nous assistons a une mise en cause du sacerdoce catholique, sans precedent depuis le XVIe siecle. Cette critique radicale porte cependant pour l'essentiel, non sur la fonction de pretre, mais sur le celibat choisi, si incongru pour nos contemporains. Pour assurer l'avenir de notre Eglise, faut-il autoriser "le mariage des pretres", ordonner des hommes maries, voire des femmes? Voila le debat. Je voudrais aller plus loin. Dans le cadre de votre reflexion sur sacerdoce et vocation, je voudrais montrer que l'histoire longue de l'Eglise nous rendrait plutot sereins dans les tempetes actuelles tournant autour de la sexualite a sensations. Mais ce deballage bruyant cache egalement un brouillage de la figure du pretre chez les croyants eux-memes et bien des interrogations sur la fonction du pretre et ses motivations. Elles prouvent aussi, la cassure inedite, voire la meconnaissance absolue, entre le sacerdoce et la societe dans lequel il se deploie, comme s'il n'etait plus lisible pour nos contemporains, en dehors des cercles de militants chretiens. Or meme aux pires temps de l'anticlericalisme du XIXe siecle, l'image du pretre etait parfaitement lisible. L'historien chretien ne se satisfait pas des recettes toutes faites qui sont proposees maintenant par les medias, en particulier de ce qu'on nomme le "mariage des pretres", solution a tous les problemes, qui nous herisse totalement comme laics, comme si la chastete etait une anomalie, y compris a l'interieur du mariage.

Que pouvons-nous dire en chretiens a partir de cette histoire qui a vu bien d'autres crises et un tresor de solutions mises en oeuvre. Il ne faut pas s'arreter au cure d'Ars, meme s'il constitue un modele incomparable, parfaitement adapte a son siecle, le sien justement, plus que le notre.

Si, au-dela du seul XIXe siecle, nous regardons les pratiques des siecles passes dans l'acces au sacerdoce et a la charge d'ames, nous pouvons analyser des solutions efficaces dans un cadre social et culturel donne, des bouffees de volonte de retour a l'origine, des erreurs de communication deja : pour eclairer cette histoire longue, nous pouvons observer au minimum trois phases chronologiques.

Il y a eu un temps ou la charge des ames n'appartenait pas seulement au pretre. 1. Un pretre pour prendre en charge les ames ?

Il y a eu un temps ou l'Eglise occidentale a choisi d'encadrer un territoire plutot qu'une communaute de fideles. 2. Naissance du cure Il y a eu un temps ou face au schisme protestant et aux changements culturels le pretre et singulierement le cure est devenu le guide unique d'un troupeau en marche vers la perfection. 3. L'ideal du bon cure, celui du cure d'Ars et du cure de campagne de Bernanos.

4. Je terminerai sur la situation actuelle, au sens large, favorisee par l'evolution du XXe siecle, avalisee au concile, qui inclue le clerge dans le peuple des baptises et ouvre des perspectives nouvelles au role du pretre.

1. Un pretre pour prendre en charge les ames ?

"Alors il appela les douze et commenca a les envoyer deux a deux en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs. Il leur prescrivit de ne rien prendre pour le voyage, si ce n'est un baton; de n'avoir ni pain, ni sac, ni monnaie dans la ceinture; de chausser des sandales et de ne pas revetir deux tuniques."Mc 6, 7-9

Marc les considere comme des instruments vivants dont se sert le Christ, toujours vivant et agissant ' Ils partirent precher partout. Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l'accompagnaient '(16,20). Mais un disciple ne doit etre ni mediateur, ni pere, ni maitre, ni docteur ajoute Mt, un serviteur seulement(23, 9-10). On peut encore invoquer l'organisation de l'Eglise selon Paul dans sa lettre a Tite.

Les temps apostoliques et patristiques

Au IIe siecle, Ignace d'Antioche temoigne que diacres et pretres sont distingues. Le souci pastoral est aussi ancien que le christianisme: des l'origine, l'Eglise est organisee avec un groupe de pasteurs differencies pour assister le troupeau et veiller sur lui, assurer la coherence doctrinale et precher: diacres et pasteurs (pretres, eveques) caracterisent l'Eglise locale, une Eglise urbaine dans un temps ou paien et paysan sont rendus equivalents dans la langue latine, surtout apres la reconnaissance du christianisme dans l'Empire, au IVe siecle. L'organisation que nous connaissons, sous l'autorite exclusive de l'eveque, est alors mise en place, de plus en plus liee a l'Etat imperial avec lequel elle va peu a peu se confondre.

Ici le patriarcat de Rome favorise une organisation qui est assez differente de celle qui prevaudra en Orient, plutot assise sur les monasteres.

La charge d'ames monastique.

A partir du IVe siecle, les chretiens les plus mystiques gagnent les deserts pour mieux vivre leur experience spirituelle. Sur le modele de saint Antoine en Egypte ou de saint Pacome en Palestine, puis d'Honorat a Lerins vers 400, l'ideal chretien monastique devient une experience vivante, transmise de generation en generation par des peres spirituels qui assistent les plus jeunes.

Cette tradition de l'accompagnement spirituel est l'autre voie de l'encadrement des chretiens et des cette epoque des moines deviennent eveques, en Orient, mais aussi a Arles, Riez ou Lyon. Plus ordinaire en Orient, cet encadrement monastique des ames n'est pas inconnue en Occident, puisque les moines sont presents partout tres tot et que la regle de saint Benoit irrigue les routes du continent europeen a la fin du VIIe siecle.

Pourtant les differentes reformes monastiques ulterieures, dont celles de Colomban, de Bernard de Clairvaux ou de saint Bruno ne privilegient pas l'encadrement des fideles car les paroisses sont deja en place. Seuls les chanoines reguliers de Premontre ou de Saint-Victor garderont des paroisses en charges jusqu'a la fin de l'Ancien Regime et encore aujourd'hui.

l'administration episcopale et la maitrise administrative de l'espace pastoral.

Il y a bien des moyens pour les pretres d'encadrer les communautes, mais quelques traits sont presents des l'origine : le pretre est missionnaire, messager de la bonne nouvelle dit Clement d'Alexandrie vers 150-220. A partir du Ve siecle, la multiplication des lieux de celebration communautaire pousse les eveques a confier aux pretres de leur entourage la responsabilite de groupes de fideles, dans des lieux identifies par un baptistere et un cimetiere. L'administration carolingienne et la feodalite completent l'evolution en leur attribuant un territoire et un revenu fiscal, la dime (sur toute production agricole, attache a un territoire, la paroisse, subdivisee selon les besoins de la population. Celle-ci est installee peu a peu, entre VIIIe et XIIe siecle et bougera ensuite tres peu, meme sous la Revolution.

Depuis saint Jean Chrysostome, l'ideologie qui soutient le sacerdoce est en place : ' Le Sacerdoce s'accomplit sur la terre mais il prend rang dans la categorie des dignites celestes et c'est avec une pleine justice, car ce n'est ni un homme ni un ange ou un archange qui a etabli ce service. C'est le Paraclet lui meme' (De sacerdotio III, 4-5) ' Pourtant, le pape Gregoire Le Grand, v.600, insiste dans sa Regle pastorale sur l'obligation de lier priere et predication, preuve que la fonction d'eveque et de pretre est devenue un metier et une technique : Ceux qui ne font point passer dans leur vie les verites qu'ils ont apprises dans la meditation, ne doivent pas se charger des fonctions pastorales . (RP, I, 2). Pire encore, il observe les derives de la montee du pouvoir chez ceux qui devraient rester des pasteurs identifies au Christ, au point de traiter: De ceux qui ambitionnent de gouverner et qui detournent, en faveur de leur convoitise, le texte apostolique.(RP, I,8).

2. Naissance du cure.

A la fin de l'Antiquite, le Pontifical a dresse les roles de chacun : ' le pretre doit offrir, benir, presider, precher et baptiser ' ' l'eveque doit juger, expliquer l'Ecriture, consacrer, ordonner, offrir, baptiser et confirmer '. Dans le Moyen Age feodal, les paroisses territoriales ont leur pretre, designe par le seigneur, le chef de famille ou de communaute. Depuis Constantin et surtout depuis la renaissance carolingienne, le pretre devient un rouage de l'autorite, qui doit pouvoir vivre sans mendier et savoir lire et ecrire.

Desormais, le monde occidental est quadrille par un pouvoir religieux qui est aussi un pouvoir administratif, ce dont ne se satisfont pas certains laics eduques et ouverts aux autres mondes, comme les marchands vaudois ou cathares des XIe-XIIe siecle, qui rappellent que l'Eglise qu'ils cotoient n'a plus rien a voir avec l'Evangile.

Les paroisses et leur 'propre pretre'

Des avant le concile de Latran IV (1215), une preoccupation apparait dans la plupart des dioceses : comment lutter contre les heresies montantes qui s'attaquent a l'Eglise ? En ayant un meilleur clerge, qui s'occupe mieux des fideles. Le concile de Latran fixe des pratiques experimentees un peu partout et prevoit que tous les ans, tous les fideles devront recevoir de leur ' propre pretre ', exclusivement dans leur paroisse, les sacrements de penitence et de communion. Le pretre devra etre forme pour assurer cet encadrement nouveau, a travers les synodes et la lecture de manuels adaptes.

Il a fallu plusieurs generations pour qu'une formation minimale du pretre de paroisse soit assuree. Si en ville la question ne se posait pas car les cures etaient en general gradues, en campagne ils connaissaient une formation sur le tas, un simple apprentissage aupres d'un autre pretre, qu'on appelle de plus en plus cure (car il exerce la cura animarum).

La grande nouveaute est le monopole des sacrements courants, qui donne a chaque cure cette stature de pasteur par qui il faut passer, du berceau a la tombe, contre les pretres des ordres mendiants, predicateurs et confesseurs renommes. Le pretre d'une paroisse peut se faire aider en salariant d'autres pretres, il peut cumuler les paroisses si elles ne lui permettent pas de vivre: tout cela marque la naissance d'un metier ; le mot est bien proche du mot ministere d'ailleurs. En meme temps, beaucoup de clercs ne se satisfont pas de cette vie terne de notable a l'abri du besoin, voire de fonctionnaire de Dieu, particulierement en ville. a la fin du Moyen Age, le clerge n'etait pas aussi indigne qu'on l'a dit ; en particulier il n'etait pas plus concubinaire qu'aux siecles precedents, mais les manquements choquaient de plus en plus, surtout quand les confesseurs commencent a imposer aux laics une rigueur morale nouvelle.

Le clerge paroissial et la montee d'une exigence nouvelle

Tres vite, des le XIVe siecle, les abus, denonces par les predicateurs mendiants chez ces pretres de paroisse qui disent et ne font pas, sont denonces par les elites urbaines, laics et clercs serieux. Au debut du XVIe siecle, de grands intellectuels humanistes comme Jean Geiler de Kaisersberg ( 1445-1510) a Strasbourg et Josse Clichtove (1472-1543) a Paris et Chartres par exemple, denoncent l'arrogance de leurs collegues et le fait qu'ils 'tondent leurs brebis au lieu de les paitre par la Parole et les sacrements'.

Bien des clercs vont passer a la Reforme pour cette raison. Un fait ne trompe pas, des reformateurs protestants comme Ulrich Zwingli a Zurich, 1484-1531 (ancien cure) ou Martin Bucer a Strasbourg, 1491-1551 (ancien Dominicain), publient l'un et l'autre des traites de pastorale.

Des mouvements de pretres seculiers se multiplient pour favoriser l'emulation dans les quetes de la saintete, dont les Jesuites ne sont qu'un exemple tardif (1534). Le concile de Trente, rassemble de 1545 a 1563, est porteur de la necessite de la reforme du clerge. Il sera le concile du clerge seculier.

3. L'ideal du bon cure

Le pretre au concile de Trente.

Si les dispositions doctrinales du concile faisaient largement consensus, les decisions disciplinaires ont parfois ete disputees, mais pas la necessite pour les pretres et eveques de resider aupres de leurs ouailles. Des 1547, le premier decret disciplinaire insiste sur la residence.

On a beaucoup critique ce clerge cumulard et absent. Or il ne faut pas se laisser prendre a ces critiques. Les paroisses marchaient fort bien sans leur cure titulaire, car celui-ci devait obligatoirement se payer un remplacant, qui etait un pretre du pays, plus proche des fideles. Le probleme residait dans l'image de la charge d'ame, rapportee au Christ. La priorite du concile est d'imposer la residence a ceux qui ont charge d'ames. Le pasteur doit resider avec ses ouailles pour faire son metier, car on ne peut donner un troupeau a un mercenaire. Le pasteur est totalement assimile au Bon Pasteur, c'est a dire au Christ lui-meme, il est responsable sur son propre salut du salut de ses fideles.

Pour ce vieil ideal pastoral, ne au VIIe siecle, et diffuse encore avec les ecrits du pape Gregoire le Grand, la charge pastorale est ' l'art des arts ' et rien ne peut depasser ce service dans l'Eglise: la fonction de pasteur, qu'il soit cure ou eveque ou abbe, est un chemin de perfection. Mais cet ideal se heurte depuis des siecles a une realite materielle, qui est celle des revenus du clerge, qui ne permettent pas non plus de resoudre son ignorance. Le probleme est recurrent depuis deux siecles.

Or il y a consensus pour estimer qu'on ne peut admettre a une telle charge sans un examen serieux des capacites du candidat a enseigner, a administrer les sacrements, a vivre dans la piete. Decret de reforme, 17 septembre 1562 (apres le decret sur la messe) canon 1 ' Il n'est rien qui ne forme davantage et continuellement les autres a la piete et au service de Dieu que la vie et l'exemple de ceux qui se consacrent au ministere divin. En effet comme on les voit eleves en un lieu superieur hors des choses du siecle, les autres jettent les yeux sur eux comme sur un miroir et prennent aupres d'eux les exemples a imiter. C'est pourquoi il convient absolument que les clercs qui ont ete appeles a l'heritage du Seigneur reglent leur vie et toute leur conduite de telle maniere que, dans leurs habits, leur maniere d'etre, leur demarche, leurs paroles et toutes les autres choses, ils ne laissent rien paraitre que de serieux, de retenu et de parfaitement religieux. Qu'ils fuient les fautes, meme legeres, qui seraient en eux considerables, afin que leurs actions suscitent le respect chez tous. '

Pour resoudre la question de la formation, desormais inferieure a celle des pasteurs protestants, le concile prevoit la creation de seminaires, mais ce n'est pas du tout ce qu'ils vont devenir (Canon cum adulescentium aetas, 15 juillet 1563 canon 18 du decret sur l'ordre). L'idee, issue de toute la recherche pedagogique du siecle precedent, dont Gerson(1363-1429), est qu'il faut former les adolescents avant qu'ils n'aient ete touches par le vice. On prevoit donc de creer une ' pepiniere ' (c'est le sens premier de seminaire) dans laquelle on formerait des jeunes de 12 ans sachant lire et ecrire dans les disciplines ecclesiastiques. Ils feront des etudes de grammaire, chant, comput, homelies des saints et de tout ce qui est necessaire pour donner les sacrements. Ils seront aussi eduques a la piete en communiant (et se confessant) une fois par mois et ils rendront service dans les eglises les dimanche et fetes. Le concile prevoit que le financement de ces seminaires appartient a l'eveque.

Le concile imagine donc une pepiniere ou un vivier de jeunes gens vertueux, promis au sacerdoce, plutot qu'une universite dispensant un savoir comme c'est le cas pour les protestants. Mais il s'agit plus d'un petit seminaire que d'un seminaire comme on le mettra en place un siecle plus tard. Pendant longtemps, jusqu'a la fin du XVIIe siecle, faute de ressources, les seminaires ne serviront que quelques jours, au mieux quelques semaines, pour former les candidats a l'ordination et l'acces au clerge ayant charge d'ames sera reserve a ceux dont les familles auront pu payer les etudes.

Pourtant, le concile de Trente remet en valeur la charge pastorale et confirme l'identification du pretre au Bon Pasteur ; l'exigence de saintete sacerdotale qui etait promue des la Regula pastoralis de Gregoire de Grand devient la norme, avec une nouveaute : au XVIIe siecle, l'Ecole francaise de spiritualite privilegie la vocation personnelle sur l'appel de la communaute dans l'acces au sacrement de l'ordre. Avant meme que les seminaires ne soient en place, des reformateurs comme Vincent de Paul, Bourdoise, Olier: insistent d'abord sur l'appel personnel. Le sacerdoce devient une mystique, soigneusement cultivee par les enseignants des seminaires.

L'encadrement devient au XVIIe siecle de plus en plus austere, au point que le jansenisme seduit de nombreux clercs qui aspirent a la perfection, pousses par leurs ouailles. C'est le cas du vicaire de Tourettes sur le Loup, Jean-Baptiste Deguigues, condamne le 27 septembre 1709, dont le proces nous montre comment un pretre de village partage avec le mouvement janseniste une haute idee du service des fideles et fait des simples pretres les successeurs des apotres. Le jansenisme seduit aussi les laics car leur militance communautaire et le contact avec le pretre comme guide spirituel sont valorises. Deguigues reprend l'oratorien Pasquier Quesnel (1634-1719) qui vient d'etre condamne :

'Interdire la lecture de l'Ecriture et particulierement de l'Evangile aux chretiens, c'est interdire l'usage de la lumiere aux enfants de la lumiere et leur faire souffrir une espece d'excommunication (Quesnel, Reflexions morales, 85)

Notre pretre fortement marque par le second jansenisme exorte d'hailleur ses ouailles ' quoi qu'il vous en coute, ne laissez pas echapper la parole de Dieu que je vous preche ; il s'est voulu servir de moi et de cette parole pour vous convertir ' et en particulier il preche la crainte : ' Seigneur, penetrez moi de la crainte de vos jugements: cette crainte me fait veiller sur ma conduite, elle me fait demander votre grace ; elle me dispose insensiblement a votre amour : et des que je dois vous aimer, bien loin d'apprehender votre venue, je la desirerai et la regarderai comme le principe de ma liberte et de ma gloire que j'espere de votre misericorde ' et ' la foi, pour etre veritable dans un chretien doit etre vive, agissante par la charite et par la pratique des bonnes oeuvres qui la font paraitre et qui en sont les fruits. ' preche-t-il, en recopiant des sermons du pere Lejeune ou de Claude Joly.

Ce rigorisme qui touche lui-meme et ses ouailles seduit les laics car il leur permet d'etre exemplaires dans une societe en transformation rapide.

Vers le milieu du XVIIIe siecle, la formation des futurs pretres depasse une annee ; c'est alors qu'on peut parler d'un corps clerical specifique, dont la formation est differente de celle des laics de l'elite, a la difference des siecles precedents, qui voyaient futurs gouvernants et futurs clercs user leurs fonds de culotte sur les memes bancs. Le pretre est desormais mis a part pour commander la venue d'une autre societe, opposee a celle des Lumieres.

Le cure d'Ars et l'ideal du XIXe siecle.

Au temps des Lumieres, jamais la formation du clerge n'a ete aussi bonne. C'est sur ces bases que la Restauration poursuit et l'on sait combien Jean-Marie Vianney (1786-1859) a eu de difficultes a subir cette formation tres intellectuelle. Il a eu pour lui de disposer a Ars de la bibliotheque remarquable d'un chanoine de Sainte-Genevieve, qui lui a permis de progresser. En particulier, il a ete tres vite en contact avec les nouvelles normes morales des confesseurs, adoptees depuis la fin du XVIIIe siecle, a la suite des travaux d'Alphonse de Liguori-Redemptoristes- (1696-1787) qui privilegie la misericorde de Dieu envers le pecheur.

C'est alors qu'est developpee dans la formation du pretre l'identification personnelle au Christ, exaltee par la predication et les ecrits de Paul de la Croix (1694-1775), canonise en 1867. Cette unique lecture du role du pretre va conduire une formation fondee sur la seule assimilation du pretre au Christ en croix, jusqu'au sacrifice derisoire du Journal du cure de campagne de Bernanos (1936), une perception du pretre renforcee par le film de Bresson (1951).

De la fin du XVIIe siecle au milieu du XXe siecle, les seminaires deviennent le moyen de la verifier et de conformer les candidats a ce modele unique, createur d'un corps sacerdotal unifie dont nous voyons, non sans nostalgie, la dissolution actuelle.

4. La fin du cure de campagne et la naissance du President du Peuple de Dieu.

A quoi sert un pretre mis a part pour etre superieur aux anges, a quoi sert son sacrifice personnel dans un monde qui n'est plus chretien ? La deterritorialisation des paroisses change totalement son role. Ce dont le concile Vatican II herite, c'est d'une image reconstruite depuis les deux conflits mondiaux.

Invente pour servir les communautes de fideles, le ministere ordonne quitte alors peu a peu l'exclusivisme culturel clerical pour redevenir tres divers. Les pretres ne sont plus au service d'un seul territoire mais dans des realites multiples d'encadrement des fideles ; s'ils conservent encore le service de la liturgie, de la predication, des sacrements, de la priere, ils retrouvent aussi le service individuel des ames, dans une societe bien plus hererogene qu'autrefois du point de vue des croyances. Le sens ' mystique ' du pretre n'est pas devenu pour autant obsolete car ce dernier est desormais a la tete de communautes volontaires qui demandent un veritable encadrement spirituel. Selon les nouvelles dispositions du concile de Vatican II, si le cure preside la communaute, les pretres travaillent avec les militants clercs et laics qui les entourent pour animer les fideles et les conduire, par consensus et non plus par contrainte, vers une pratique plus authentique du message chretien.

Au XIXe siecle, J. Michelet en avait deja assez des abus de l'Eglise ' Trois cents ans de plaisanteries sur le pape, les s?urs, les moines, la gouvernante du cure, c'est de quoi lasser a la fin ' cf Febvre, origines, p. 20

Serions nous a la veille d'une nouvelle reforme ? Les rates recents de la communication romaine et les remous que provoquent des prises de positions dans le monde catholique sur la main tendue d'un seul cote a une poignee de pretres integristes devenue autiste, sur les conditions de l'avortement en Bresil, sur l'usage du preservatif en Afrique: permettent de poser la question. Il ne fait aucun doute que l'Eglise romaine communique mal ou plus exactement qu'elle n'est plus entendue par une grosse partie des catholiques eux-memes en Europe. Cette distance entre les aspirations des fideles de base les plus eloignes des sacrements, dont les problemes quotidiens ne sont pas pris en compte (pensons au probleme des divorces remaries prives d'acces aux sacrements:, a l'attitude a l'egard du refus d'une sexualite hedoniste chez les laics quand les pretres eux-memes sont longtemps ete poursuivis avec indulgence pour leurs manquements:)

Au debut du XVIe siecle, quand Luther n'existait pas encore, tous les historiens sont d'accord pour observer que l'institution ecclesiale romaine n'etait pas en phase avec les aspirations et les angoisses des chretiens sinceres de ce temps et ce decalage a manque de lui etre fatal. Le christianisme de l'age flamboyant et de la Renaissance nous a laisse des temoignages artistiques poignants (les Vierges de misericorde) et litteraires (l'Imitation) de ces quetes communes et angoissees. Que cette angoisse soit nee de la conquete turque ou des changements culturels provoques par l'humanisme et alimentee par une nouvelle lecture de la Bible, peu importe au fond. L'essentiel est dans l'inadequation de la parole de l'Eglise avec les quetes de sens des fideles.

Ce qui interroge les historiens du debut du XVIe siecle, c'est ce fosse grandissant entre ce que voulaient les laics militants, en general urbains et lettres et ce que faisait l'Eglise hierarchique. Les fideles ordinaires en avaient assez de l'orgueil de la regle chez les moines reformes et des coups de semonce moralisateurs d'une partie des predicateurs charges des Caremes et des Avents en ville. Ils etaient decus de la qualite de vie de leurs cures et eveques qui parlaient parfois mais ne faisaient pas ce qu'ils prechaient, sauf exception et ces exceptions renforcaient encore le sentiment qu'il fallait reformer l'Eglise. Le prestige moral, intellectuel et spirituel de l'Eglise romaine etait alors bien trop faible pour qu'on pense qu'elle puisse se changer elle-meme. Et pourtant le concile est venu.

La crise actuel du catholicisme et du clerge dans son statut social cache pourtant aux yeux des fideles des avancees doctrinales importantes depuis Vatican II. C'est ainsi que le Groupe des Dombes puis des declarations communes entre diverses confessions continuent a exalter ' le ministre qui rassemble et construit le corps du Christ par la proclamation et l'enseignement de la parolede Dieu, par la celebration des sacrements et par la direction de la vie de la communaute dans sa liturgie, sa mission et sa diaconie'

Mais du coup, le nouveau pretre est confronte a deux strategies face au reel:

Soit la radicalisation: le pretre est un 'alter Christus', un modele de vie apostolique et d'offrande de soi, une exaltation chretienne du pretre qui le coupe des autres chretiens. Maximilien Kolbe.

Soit le pretre est le ministre d'une communaute animee par l'Esprit Saint et qu'il doit entretenir au moyen d'une spiritualite purement relationnelle et soumise aux modes de la communication.

Un sage sulpicien et grand theologien comme Maurice Vidal estime que l'un et l'autre sont necessaires: la vocation de type apostolique et prophetique est necessaire aux futurs pretres pour pouvoir tenir la communion des libertes des fideles, individuellement et en groupe et pour tenir compte de l'evolution des baptises. Dans un monde post-chretien ou c'est la communaute chretienne qui devient Christ pour le monde, la distinction clerc-laic est-elle encore pertinente ? Il semble bien que le sacerdoce des baptises ne soit plus distingue du sacerdoce ministeriel dans certains lieux.

Aura-t-on vraiment besoin de pretres dans les annees qui viennent? La solution au mal etre actuel de bien des catholiques qui ont cru au renouveau du concile Vatican II passe-t-elle par une reclericalisation du catholicisme ? Les militants laics sont fatigues. Ils manquent de reconnaissance de leur travail de soutiers-benevoles, ils manquent surtout d'ecoute de leurs competences. Jusqu'ou vont-ils cautionner les errances de Rome ? Quand on sait que 80% d'entre eux sont des femmes, l'avenir de l'institution ecclesiale romaine semble sombre dans les medias. Et pourtant, en prenant les plus dynamiques des chretiens, les evangeliques, nous voyons que la mission de cure d'ames est plus demandee que jamais. L'accompagnement spirituel semble bien etre l'avenir pour ceux qui s'y sentent appeles. Les affiches du service des vocations ne mentent pas.


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